Entrevue avec une photographe d’aventure québécoise (et badass)
Article rédigé par Anne-Marie Brassard , publié par JustDoers
Annie-Claude Roberge est une photographe et vidéaste d’aventure québécoise originaire de Lanaudière, qui a du cran, du flair et un sacré talent. Elle photographie des pros surfeurs du team de Vans en Californie, filme de folles descentes en skis sur les plus hautes montagnes d’Argentine et capte les beautés des peuples autochtones du nord du Québec. Son quotidien est fait de balades en hélicoptère, d’aventures épiques et de moments privilégiés avec la nature et ceux qui osent la défier.
Voici le résumé de mon entrevue avec cette femme inspirante, fondatrice de la Maison de Production Sekoya , qui a de l’énergie fois mille et un parcours de vie vraiment next level.
Pour la suivre : que du beau sur son Instagram et sur sa page Facebook perso qui n’attend que ton love. (Oui, tu peux même devenir son ami!)
Qu’est-ce que ça prend pour être un bon photographe/vidéaste d’aventure?
Mon mentor en cinéma, Claude Blouin, m’a dit un jour : si tu veux être réalisatrice dans la vie, ne va pas nécessairement étudier en cinéma. Va voyager, va forger ton identité, ton regard, ta sensibilité. Aie quelque chose à dire et le reste va venir. Mon métier ce n’est pas juste d’avoir une caméra dans les mains, c’est de créer des liens de confiance.
C’est aussi être à son affaire. C’est ce qui manque chez les jeunes souvent. Il faut travailler fort et avoir de la discipline parce que ton nom peut se défaire en un instant. Tout est à recommencer à chaque contrat. Respecte toujours les gens qui t’entourent, tes collaborateurs. Même si tu sais que c’est la dernière fois que tu travailles avec eux et qu’ils te font suer. Finis le contrat professionnellement.
Et sur le terrain?
Il faut savoir se positionner au bon moment sans être trop intrusif. Avoir beaucoup de flair et d’instinct. Comprendre ses limites. La nature est beaucoup plus forte que nous. Il faut être humble et savoir écouter, observer, s’arrêter, et prendre des décisions éclairées en mettant l’orgueil et l’égo de côté.
Même lorsqu’on a une caméra entre les mains, on doit prendre des décisions et avancer au même rythme que les autres, et même plus vite parce qu’on veut toujours prendre de l’avance pour capter les arrivées. On doit transporter les bagages avec en plus le poids des caméras et de l’équipement de tournage. On est debout du lever du soleil, jusqu’au coucher. Lorsque tout le monde arrive au campement, monte les tentes, prépare à manger, et se repose avant d’aller dormir, toi tu es encore là à travailler, à nettoyer le matériel, à préparer le jour suivant.
Non seulement tu dois vivre mentalement et physiquement chacune des épreuves d’une expédition, mais tu dois aussi capter tous ces moments. Tu dois prendre soin de toi, de chacun des membres de ton équipe et de ton équipement, qui représente des milliers de dollars de matériel qui te permettent de vivre et de gagner ta vie. Il n’y a pas (ou très peu) de place aux : j’ai froid, j’ai faim, je suis fatigué. Tu es là et tu es payé pour l’être. Tu ne peux pas ralentir l’expédition et tu ne dois surtout pas être un boulet. Fille ou garçon, il faut que tu assures tout en ne mettant pas ta propre vie ou celle des autres en danger.
Justement, le fait d’être une femme dans le milieu de l’aventure change-t-il quelque chose?
Non, tes collaborateurs s’attendent à ce que tu sois capable de suivre. Je n’ai jamais senti qu’on prenait soin de moi parce que j’étais une femme et même que des fois j’ai trouvé ça dur.
En Argentine, j’accompagnais des pro riders de Vans off the Wall en snowboard dans les grosses montagnes. On a eu droit à une tempête de neige incroyable avec des bruits d’avalanches qui se faisaient entendre de tous les côtés. J’étais sur une corniche, accrochée à un arbre, avec des milliers de dollars d’équipement sur le dos. Les gars voulaient rider à cet endroit précis où le dénivelé était pratiquement à la verticale. Je n’avais pas le choix et ils ne m’ont jamais demandé si ça allait. Peut-être que j’ai l’attitude d’une fille qui est au-dessus de ses affaires, qui n’a pas besoin de se faire réconforter, mais je reste tout de même humaine et parfois vulnérable. J’ai toujours été sportive, je suis née en skiant et en courant. Le sport fait partie de ma vie et je n’ai pas le choix pour les mandats que je couvre actuellement.
Peut-on en vivre au Québec?
Oui, mais ça prend des années pour bâtir sa réputation et se faire un nom. C’est une question de confiance. Ce qui m’a permis de mettre sur pied ma compagnie, c’est mon diplôme en enseignement. Pendant une bonne dizaine d’années, j’enseignais les arts visuels et dramatiques 2 à 3 jours par semaine. Ça m’a permis de me concentrer sur ce que je voulais réellement faire. Quelqu’un qui veut être photographe sans avoir quelque chose d’autre on the side, va souvent prendre tout ce qui passe. Il va se ramasser à faire des choses qui n’étaient pas nécessairement dans sa ligne de mire au départ.
À 16-17 ans, je couvrais des événements culturels et artistiques dans Lanaudière, ma région natale. Je bâtissais mon nom tranquillement. J’ai toujours eu deux passions, les arts et le plein air. Un jour je me suis dit : pourquoi je ne réunirais pas ces deux passions? C’est là que je me suis éloignée du milieu artistique pour aller vers l’aventure et les sports extrêmes.
Peut-on être autodidacte pour exercer ce métier?
Tout est une question de regard. Ce qui va faire que tu vas réussir, c’est ta sensibilité, ta capacité à bien t’entourer et à être authentique. Il faut savoir cibler tes forces, mettre en valeur les beautés des clients que tu as. Il y a beaucoup de bouche à oreille dans ce métier-là, le talent n’est pas tout. Tu te fais engager pour qui tu es, ton caractère, ton professionnalisme. Jamais personne ne m’a demandé mon diplôme.
Vidéo-qui-donne-le-goût pour Tourisme Eeyou Itschee Baie-James
Qu’est-ce qui t’a permis de trouver ton premier contrat?
J’ai fait beaucoup de bénévolat. Ça ne se fait pas en cliquant des doigts, tu sors de l’école et tu as un gros salaire. Il faut travailler pour ça, donner beaucoup de son temps. Encore aujourd’hui je fais du bénévolat, ça fait partie de ma mission personnelle et de compagnie. Les clients qui me font vivre, ce sont les plus gros organismes et ils me font confiance en raison de mon expérience.
Rien n’est jamais acquis dans ce métier. Je fais tout, toute seule (ou presque!!) : production, réalisation, montage, photographie et même la musique! Je suis donc une petite boite de pub clé en main qui analyse le produit et qui dirige le client vers un contenu et une diffusion appropriée. Produire une vidéo ou faire des photos c’est une étape, mais savoir comment les partager et les diffuser de sorte à toucher sa clientèle en est une autre.
Un conseil à donner aux photographes de ce monde?
On est le cumul de ses expériences, de ses voyages, des peuples et des cultures qu’on rencontre. C’est ce qui fait la personne humaine que l’on devient. Développe ta sensibilité, ton regard, il faut que tu aies quelque chose à dire. Ce que tu vas aller chercher comme image, c’est le sentiment de la personne qui est devant toi. Tu as beau avoir le meilleur appareil du monde, c’est elle qui est importante.
Une des plus belles photos que j’ai prise à vie, c’est celle d’une femme autochtone, Éva. Tu ne fais pas ce genre de photo en cliquant des doigts. J’ai passé 4 jours avec cette femme-là, à discuter de la vie, de son enfance, de leurs traditions, à partager son quotidien et à développer une complicité avant de sortir mon appareil photo. Tout réside dans le rapport humain, tu veux aller chercher la magie et l’âme des gens. Ça ne s’apprend pas, ça ne s’achète pas. Ça se développe par la vie que tu as menée.
Pour suivre les aventures d’Annie-Claude et t’inspirer avec du beau, jette un oeil à son portfolio, son compte Instagram et sa page Facebook.
Merci Annie-Claude pour ta générosité et ton énergie positive. Merci de capter ces moments en image et de me donner le goût de me bouger le cul. Tu es une badass au grand coeur.
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